Après-midi d’études du Séminaire du Groupe Recherche Autisme
LE STATUT DE LA PAROLE
avec la participation de Jean-Pierre Rouillon, Directeur du Centre thérapeutique et de Recherches Nonette
Vendredi 29 avril De 13H45 à 17H
Amphi L3
Ouvert à tous – Gratuit
LE STATUT DE LA PAROLE
Qu’en est-il du statut de la parole ? Quelle clinique possible à l’époque des outils de rééducation, de la norme et du scientisme ? Comment y faire valoir lalangue singulière d’un parlêtre ? À rebours des techniques de soin « pour tous » promues par les discours contemporains, la psychanalyse parie sur l’inconscient et sur la parole, en faisant grand cas de ce que les sujets ont à dire. Et quand le sujet ne parle pas ? L’autisme est une clinique spécifique qui nous enseigne de manière paradigmatique sur la thèse majeure de Lacan, à savoir que la loi de l’homme est la loi du langage, que du malentendu il n’y a que celui du troumatisme de la langue, que le sujet ne nait pas comme tel mais le devient, que le parlêtre, wo es war aura à en advenir, soll ich werden. Car en effet serait-il mutique de son premier à son dernier jour, le petit d’homme selon l’expression freudienne, n’en est pas moins tombé comme un fruit mûr dans le bain du langage.
Si les autistes ont la réputation d’être le plus souvent mutiques, Lacan soulignait davantage que ce « sont des personnages finalement plutôt verbeux »1 qui font état de tout un nuancier du champ de la parole : écholalie, babil, langues privées… – recensé avec précision par Jean-Claude Maleval dans son dernier ouvrage, La différence autistique2. Ajoutons à cela que, bien souvent, ces sujets manifestent un grand intérêt pour la voix.
Alors qu’en est-il de l’aliénation/séparation dans l’autisme ? Jacques-Alain Miller à la suite des Lefort propose de considérer que le rapport primordial du sujet autiste au signifiant consiste en une « forclusion du S1 » donnant lieu à « sa métamorphose multiplicative en un essaim ». Ainsi, le sujet autiste témoigne avant-tout de l’itération du signifiant unaire « sans effet de signification ». Après quoi, poursuit Miller, « l’autiste se baigne toujours dans le même fleuve, sinon il y a crise, angoisse, panique. »3 C’est alors le corps lui-même qui se fait l’écho de cette jouissance, un corps qui se jouit à hauteur qu’il est joui par les mots.
En effet, comme le souligne Jean-Pierre Rouillon, directeur du Centre Thérapeutique et de Recherche de Nonette, « le signifiant, dans l’autisme, ne se présente pas sur son versant d’articulation, sur son versant de sens. Il se présente comme unique, comme tout seul, aussi bien sur le versant du commandement que sur le versant d’une satisfaction liée à ce qui résonne de sa substance sonore »4.
Cette après-midi du Séminaire du GRA interrogera donc ce lien étrange des sujets autistes à la parole ; la psychanalyse n’a-t-elle pas, précisément, « quelque chose à leur dire »5 ?
1 Miller, J. & Lacan, J. (2017). Jacques Lacan Conférence à Genève sur le symptôme. La Cause du Désir, 95, p.17. https://doi.org/10.3917/lcdd.095.0007
2 Maleval, J.-C. (2021). La Différence autistique, Paris, PUV.
3 Miller, J.-A. (2021). « Préface », La Différence autistique, op. cit., p. 10-11.
4 Rouillon, J.-P. (s. d.). Petite note sur l’autisme chez Lacan. École de la cause freudienne. Consulté le 30 mars 2022, à l’adresse https://www.causefreudienne.net/petite-note-sur-lautisme-chez-lacan/
5 Miller, J. & Lacan, J. (2017). Jacques Lacan Conférence à Genève sur le symptôme, op. cit.
PROGRAMME
Ouverture : Giorgia Tiscini
Introduction : Myriam Chérel
Vu du monde : « A propos de « The Innocents » d’Eskil Vogt » Pierre Bonny
Clinique : « Parole et imaginaire : entre autisme et schizophrénie » Noëmie Jan suivi d’une discussion avec Éric Taillandier
Recherche : « Corps parlant et autisme » Élise Etchamendy
Clinique : « De cars au code » Marjolaine Mollé
CONFERENCE DE JEAN-PIERRE ROUILLON
« PAROLES HORS SENS »